Habiter sur Mars
Préambule
Une fois arrivée sur Mars, la mission est encore loin d’être terminée. Dans le scénario retenu, il faut survivre plus de 500 jours, sans aucun ravitaillement possible. La production d’un maximum d’éléments sur Mars est ainsi préférable et parfois même obligatoire. Pour survire, les astronautes devront avoir un habitat sécurisé, ainsi que l’accès à toutes les ressources vitales, comme l’eau, le dioxygène ou la nourriture.
Le lieu
Le lieu d’atterrissage de la mission n’est pas encore précisément défini, cependant on en connaît déjà plusieurs qui remplissent les bons critères. Afin de pouvoir bénéficier de l’eau sous forme de glace il serait préférable de le situer à une latitude inférieure à 50° dans une région où celle-ci est plus abondante. On sait cependant qu’il ne doit pas se situer trop à proximité des pôles où les températures sont très froides. La zone d’atterrissage devra être la plus dégagée et plane possible pour permettre l’installation du matériel nécessaire à la mission. Elle devra également comporter du régolite, qui sera utilisé pour la production in situ de carburant pour le retour. Enfin, le lieu d’atterrissage choisi devra se situer dans une région ayant un intérêt scientifique, c'est-à-dire où de nombreux prélèvements pourraient être effectués par une équipe en rover pressurisé. Les lieux envisageables sont par exemple la grande plaine de Chryse Planitia, le site de Noctis Landing, de Melas Chasma et de Coprates Chasma ou encore la Valles Marineris (la vallée Mariner), énorme canyon au niveau de l'équateur.

Illustration de la Valles Marineri, lieu possible d'habitation pour la mission

Schéma hypothétique de la zone d'exploration idéale

Carte de la répartition de l'eau sous forme de glace sur Mars
L’habitat
Il est primordial de pouvoir avoir un lieu sûr pour s’abriter sur Mars afin de garantir la survie de l’équipage. L’habitat doit donc respecter des critères précis pour s’adapter aux conditions impitoyables de Mars :
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Il doit fournir une pression suffisante pour la survie de l’équipage. En effet, sur Mars celle-ci équivaut à 1 % de celle de la Terre. Ainsi sans protection, un homme mourrait quasiment instantanément.
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Il doit être équipé d’un système d’air conditionné afin de fournir le dioxygène nécessaire à l’homme. En effet, l’atmosphère de Mars est irrespirable pour celui-ci avec les plus de 95% de dioxyde de carbone (CO2), un gaz toxique, qui la composent.
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Il doit protéger des rayons cosmiques et des particules émises par les éruptions solaires. Comme expliqué dans la partie I-, Mars possède une couche d’ozone fine et une magnétosphère inexistante. De ce fait, les radiations reçues par les astronautes seront nettement plus fortes que sur Terre. Pour reprendre l'exemple de la partie III-, 500 jours sur Mars, soit la durée minimale du séjour pour le scénario de conjonction, représente 1 sievert. Pour comparaison 0,05 sievert représente la dose d'un être humain exposé à 30 km de Tchernobyl pendant un an en 1986…
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Il doit pouvoir fournir une température vivable (environ entre 18 et 20°C), la température de Mars pouvant être très faible comme expliqué dans la première partie.
Pour fournir une pression vivable, l’habitat des astronautes doit être pressurisé à environ 50 à 60 pourcents de la pression atmosphérique terrestre qui vaut 1 bar (1000 hectopascals). La pression en dioxygène sera, quant à elle, environ égale à celle de la Terre. Pour mieux se représenter la différence de pression entre l’intérieur de l’habitat et l’extérieur, il faut s’imaginer que celle-ci est environ égale à la différence de pression sur Terre entre l’intérieur d’un avion volant à 10 000 mètres d’altitude et l’extérieur.
Afin d’éviter tout risque d’incendie, l’air sera composé en grande partie de diazote le reste étant du dioxygène pour permettre à l’équipage de respirer.
Pour protéger les astronautes des rayons cosmiques et solaires plusieurs solutions sont envisagées. Les habitats pourraient être recouverts de matière servant de bouclier comme le RFX1 ou bien simplement de glace ou de sol martien, car ces deux matières absorbent très bien les rayonnements. Il est aussi possible de placer les réserves d’eau dans le plafond de l’habitat pour servir de bouclier anti-rayonnement. Une autre solution radicale serait de placer l’habitat sous la surface martienne. Pour cela, nul besoin de coûteux travaux de forage, le volcanisme de la planète s’est déjà chargé du travail ! On fait, en effet, l'hypothèse que Mars accueille des tubes de laves, sortes de grands couloirs souterrains et creux formés par des coulées de lave. Grâce à la faible gravité de la planète, ces tubes pourraient être bien plus grands que leurs homologues terrestres, ce qui permettrait d’y installer l’habitat à l’abri des rayonnements et aussi des micro météorites, protection qu’il n'est encore pas possible d'assurer à sa surface. La température serait aussi plus facile à contrôler dans cet environnement souterrain.
Justement en parlant de température, elle serait contrôlée par des radiateurs électriques.
En plus des critères qui permettent la survie de l’équipage, il faut prendre en compte les besoins de celui-ci. L’habitat devra donc être équipé :
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D’un sas permettant la sortie des astronautes
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D’un laboratoire permettant d’effectuer les expériences
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D’un atelier pour les réparations diverses et pour préparer les instruments
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D’une zone de vie commune pour les réunions et qui servirait de lieu de repas
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D’un poste de contrôle permettant de gérer les systèmes de l’habitat et abritant les ordinateurs principaux
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D’espaces d’intimités. En effet, d’après un rapport de la NASA, il serait recommandé que chaque membre de l’équipage dispose d’un espace personnel qui comprenne son lit, un espace personnalisable, un bureau, un ordinateur ainsi qu’une armoire de rangement pour ses affaires personnelles. L’espace doit être aménagé de sorte que chaque membre d’équipage puisse se reposer, se détendre et mener des activités personnelles.
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De salle(s) de bain(s) et de toilette(s)
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D’une zone permettant la pratique d’exercice physique
Pour éviter tout danger de dépressurisation total de l’habitat qui pourrait entraîner la mort de l’équipage, le sas procédera à une réduction de la pression d’un facteur 10 grâce à des pompes qui permettront ainsi une sortie plus sûre des astronautes.
Toutes les zones fonctionnelles ne sont pas forcément séparées par des cloisons. Effectivement, l’expérience des habitats de simulation montre que certaines d’entre elles se recoupent sans conséquences opérationnelles.
Pour répondre aux besoins d’intimité tout en limitant le risque d’une tendance à l’isolement, le rapport de la NASA cité précédemment préconise des chambres de deux dotées d’une cloison amovible permettant de couper au besoin la pièce en deux.
L’hypothèse de la création d’une zone commune non-technique pour permettre une coupure par rapport aux activités professionnelles quotidiennes de la mission qui seront accaparantes n’est pas à exclure.
Enfin les cloisons devront avoir une bonne isolation phonique pour permettre à des membres d’équipage de se reposer pendant que d’autres travaillent ou se divertissent.
L’habitat doit donc respecter toutes ces contraintes sans toutefois dépasser les 30 tonnes. A ce jour, l’habitat parfait n’a pas été trouvé, mais différentes agences et entreprises privées ont déjà imaginé de nombreux prototypes. Plusieurs projets et méthodes de construction existent actuellement et sont expérimentés. Certaines envisagent de transporter l’habitat directement depuis la Terre, comme pour le projet de Mars One, d’autres de l’emporter pièce par pièce et de le monter sur place ou même de le produire sur Mars avec les matériaux disponibles. C’est une hypothèse qu’étudie la NASA qui a lancé en 2015 la troisième phase de son concours "3D Printed Habitat Challenge" avec l’objectif de créer un habitat martien imprimé en 3D avec des matériaux locaux.

Illustration d'un espace de détente pour le projet 'Mars One"
Projet d'habitat ZOPHERUS, lauréat du "3D Printed Habitat Challenge"de la NASA
Projet d'habitat MARSHA DE AI SPACEFACTORY, lauréat du "3D Printed Habitat Challenge"de la NASA
Projet d'habitat KAHN-YATES, lauréat du "3D Printed Habitat Challenge"de la NASA
L’eau
L’eau, que ce soit pour la boire, pour se laver, pour faire pousser des plantes ou pour produire de l’hydrogène,... est indispensable pour la mission. Il est évident qu’on ne peut pas apporter une quantité suffisante depuis la Terre. Il est donc nécessaire de la produire in situ. Heureusement elle est abondante sur Mars. Elle est principalement présente dans le régolite composant le sol martien et qui en contient 6 à 10% sous forme de glace. On peut en trouver dès le premier mètre sous terre.
Pour pouvoir l’extraire, il faut d’abord prélever des morceaux de sol à l’aide d’engins de percussion puis les chauffer à 350°C dans un four qui permettra par évaporation et condensation l’extraction de l’eau sous forme liquide. Le meilleur moyen pour effectuer cette opération est le chauffage par micro-onde. En effet, la conductivité thermique du sol fragmenté est faible rendant difficile son chauffage. En revanche, grâce au micro-onde, l’énergie chauffe directement les molécules d’eau sans se soucier de la roche peu conductrice qui l’entoure. Le problème avec cette eau, c’est qu’elle contient des sels perchlorates toxiques pour l’homme. Ces sels peuvent provoquer des troubles thyroïdiens, irriter la peau et abîmer le système digestif. Ils sont présents entre 0,5 et 1%, ce qui représente un taux extrêmement toxique pour l’homme. Certains procédés de désalinisation existent et sont en phase de test. Il existe trois méthodes :
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La première est l’échange d’ions. Celle-ci consiste à échanger les ions de perchlorates par des ions de même charge.
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La deuxième méthode s’appelle l’osmose inverse. Elle utilise la pression pour faire passer l’eau à travers une membrane dotée de petits trous et capable de retenir la plupart des substances indésirables. On ne garde donc plus que l’eau pure, qui elle est alors potable.
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Enfin la troisième option est le traitement biologique. Elle consiste à insérer des bactéries dans l’eau qui se nourrissent alors des sels et laisse l’eau pure. Mais cette solution pose un problème. Ces bactéries n’existent pas sur Mars. Il faudrait donc les importer, ce qui résulterait à contaminer Mars, or la NASA veut préserver au maximum la faune de Mars afin de l’étudier sans fausser les résultats.
Il est également possible de recycler les eaux usées du vaisseau. En effet, la NASA a mis au point un module nommé WRS (Water Recovery System). La fonction essentielle de l'instrument est de convertir les eaux polluées par les astronautes, principalement constituées d'urine, de l’eau nécessaire à l’hygiène ainsi que de l’humidité de l’air conditionné, en eau potable. Elle permet de recycler près de 93% de l’eau utilisée par l’équipage. En ce qui concerne son fonctionnement, on fait parvenir les eaux usées puis celles-ci sont envoyées dans un cylindre rotatif tournant à très grande vitesse qui extrait la vapeur d’eau par centrifugation. Ensuite, elle est soumise à une distillation sous haute pression. L’eau est ensuite presque pure, mais cela n’est pas suffisant. Il faut la passer à travers un filtre à particules et différentes couches de matériaux absorbants semblables à ceux habituellement utilisés dans l'industrie du traitement des eaux sur Terre. Enfin, on ajoute de l’iode pour tuer les microbes restants et on retrouve de l’eau potable.
Ce système de recyclage permet ainsi de considérablement réduire la production d’eau, car celle-ci peut être ensuite recyclée à 93%.

Système de recyclage à 95% de l'eau WRS (Water Recovery System)
Le dioxygène
Comme pour l’eau, il est impossible d’apporter tout le dioxygène depuis la Terre. Une production d’oxygène sur Mars est donc obligatoire. Certaines réactions chimiques permettent d’avoir ce gaz précieux pour la survie des astronautes.
Tout d’abord la technique la plus simple est l'électrolyse de l’eau. L'électrolysation de l’eau permet de séparer l’hydrogène (H) du dioxygène (O2) grâce au passage d'un courant électrique.. L’eau utilisée peut être produite avec la technique citée plus haut. Sur ce schéma, on observe deux réactions. Sur l’anode de pôle + la molécule d’eau se divise provoquant la production de dioxygène (O2), d’ions hydrogène (H+) et libère également des électrons. Ces électrons réagissent avec les ions hydrogènes (H+) pour former du dihydrogène (H2) au niveau de la cathode de pôle -. Ainsi du dioxygène (O2) est créé. Le dihydrogène (H2) peut être, quant à lui, utilisé pour produire du méthane, comme nous l’expliquerons juste après.

Schéma de l'électrolyse de l'eau

Nous mettons le matériel en place
Nous avons eu la chance de pouvoir réaliser cette expérience dans les laboratoires de notre école :

Nous faisons passer du courant dans l'eau

Nous mettons en évidence que du gaz est créé. On a deux fois plus de dihydrogène que de dioxygène, ce qui vérifie l'équation de l'eau (H2O)

Lorsque nous approchons une flamme du tube à essai contenant le dihydrogène, ce dernier s'enflamme et nous entendons un "pop". Ceci nous prouve que nous sommes bien en présence de dihydrogène car ce gaz est inflammable

Lorsque nous approchons une flamme du tube à essai contenant le dioxygène, ce dernier ravive la flamme. Ceci nous prouve que nous sommes bien en présence de dioxygène car ce gaz est un comburant.
Le MOXIE (Mars Oxygen ISRU Experiment) est également une technologie qui permettrait la production de dioxygène sur Mars par décomposition thermique du dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère de celle-ci. Il faut d’abord puiser l’oxygène martien par aspiration et compression à 20 bars puis le refroidir, permettant la liquéfaction du dioxyde de carbone (CO2) et sa séparation avec l’azote (N) et l’argon (Ar). On appelle cette technique la distillation fractionnée de l’air. Ensuite, il faut décomposer celui-ci dans un four à plus de 1 000°C. Le mélange obtenu composé de monoxyde de carbone (CO) et de dioxygène (O2) est séparé à l’aide de cellules à membranes qui ne laissent passer que les molécules de dioxygène. Ce dernier est ensuite liquéfié et peut être utilisé.
Une autre technique pourrait fonctionner mais reste à l’état de projet. Il faudrait décomposer le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l'atmosphère martienne en grande quantité, grâce à du plasma froid. Le dioxyde de carbone est très stable thermodynamiquement mais dans un plasma les molécules commencent à vibrer sous l’impact des électrons. Si ces vibrations accumulent assez d’énergie, la molécule se casse et forme du monoxyde de carbone (CO) qui pourra être utilisé par les systèmes de recyclage de l’eau ainsi que du dioxygène (O2). La pression atmosphérique inférieure sur Mars permettrait de créer des plasmas sans les pompes à vide ou les compresseurs nécessaires sur Terre. En outre, la température d'environ -60°C de Mars est idéale pour permettre au plasma de casser plus facilement l'une des liaisons chimiques qui maintient le carbone et l'oxygène étroitement liés, tout en empêchant le dioxyde de carbone (CO2) de se reformer. Ce mode de production serait plus économe que les deux précédents car il ne nécessite ni chaleur, ni pression supplémentaire. Il aurait une production journalière de 8 à 16 kilogrammes de dioxygène pur par jour ce qui couvrirait largement les besoins des six astronautes qui consommeraient 2 à 5 kilogrammes de dioxygène par jour.

Le système "MOXIE" permettant de produire du dioxygène à partir du CO2
Le carburant
Il n’est pas possible d’apporter suffisamment d’ergol pour effectuer l’aller et le retour. Ainsi, seule la quantité nécessaire à l’aller est emportée et celle pour le retour doit être produite in situ sur Mars. Il existe deux méthodes qui permettent la création de méthane (CH4), gaz qui peut être utilisé comme ergol pour le retour :
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La première consiste à utiliser la réaction de Sabatier du chimiste français du même nom. Cette réaction fait réagir du dioxyde de carbone (CO2) avec du dihydrogène (H2). Le dioxyde de carbone (CO2) est trouvable dans l’atmosphère martienne qui en est composée à 96%, le dihydrogène (H2), quant à lui, peut être produit grâce au procédé d’électrolyse évoqué plus haut. Cette réaction produit de l’eau (H2O) et du méthane (CH4).
2+4H2==> CH4+2H2O
Pour que cette réaction se produise, il faut que le dioxyde de carbone et le dihydrogène soient portés à des températures et des pressions élevées en présence d’un catalyseur de nickel.
L’eau obtenue peut être soit utilisée ou alors elle peut recommencer un cycle d’électrolyse pour refabriquer du dihydrogène. C’est ainsi un réel cercle vertueux.
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La deuxième consiste à utiliser la ressource la plus abondante dont dispose les astronautes : le sol martien nommé régolite. Grâce à des procédés très compliqués et que nous ne détaillerons pas ici, il serait possible de synthétiser du méthane. Selon le programme du Marschall Space Flight Center de la NASA appelé le Science & Mission Systems (S&MS), il serait également possible de l’utiliser pour synthétiser du dioxygène ou même pour fabriquer des panneaux solaires, même si tout cela reste hypothétique dû aux faibles moyens techniques qu’auront les astronautes sur place.
Ainsi en utilisant l’une de ces deux techniques, il sera possible de fabriquer l’ergol nécessaire au retour sur Terre de l’équipage.
La nourriture
Tout comme l’eau, le dioxygène et le carburant du retour, il est impossible d’emporter toute la nourriture nécessaire à la mission. Un astronaute consommera en moyenne 1,8 kilogrammes de nourriture par jour, comme c’est le cas actuellement sur l’ISS. Aussi faudrait-il emporter près de 10 tonnes, ce qui est impensable. Il faudra donc, une fois arrivé sur Mars, produire sa propre nourriture.
Faire pousser des plantes implique de nombreux avantages. En plus d’apporter de la nourriture, elle permet de créer de l’oxygène par réaction de photosynthèse qui pourra ensuite être utilisé par l’équipage. En outre, d’un point de vue psychologique, la vue de verdure serait tout à fait bénéfique pour les astronautes, car cela leur rappellera la Terre. Cependant, la culture sous serre est très énergivore car il faut chauffer le module, l’éclairer et le pressuriser un minimum.
Les serres contiendront une majorité de diazote (N2), un petit peu d’oxygène qui sera auto-suffisant grâce à la photosynthèse ainsi que du dioxyde de carbone (CO2). La pression atmosphérique des serres n’a pas besoin d’être aussi élevée que dans l’habitat. Pour survivre une plante a besoin seulement de 70 hectopascals (hPa) dont 40 de diazote, 20 de dioxygène, 6 de vapeur d’eau et moins d’un de dioxyde de carbone. Il est cependant préférable d’enrichir en dioxyde de carbone pour augmenter le rendement de la photosynthèse. Ainsi, pour pouvoir accéder à la serre, il faudra revêtir une combinaison spatiale ou juste un masque à oxygène si la pression est identique à celle de l’habitat.

Exemple de serre sur Mars

Exemple de serre sur Mars
Pour un régime végétalien en utilisant la culture sous serre en conditions d’éclairage naturel, il faudrait 60 m2 de surface cultivée par personne. En utilisant un éclairage artificiel et la culture hors-sol, on peut réduire ce nombre à 30 m2 par personne mais cela nécessite une consommation en électricité accrue. Le sol martien, une fois lavé et débarrassé de ses sels et des peroxydes qu’il contient, semble contenir la plupart des nutriments nécessaires aux végétaux à l’exception de la matière organique. Celle-ci pourrait être apportée en majeure partie par le recyclage des déchets organiques de l’équipage.
Pour une alimentation équilibrée, l’homme a besoin de 11 à 15% de protéines, 30 à 35% de lipides et 50 à 50% de glucides ainsi que des sels minéraux. Ainsi, pour un régime végétalien, il faudrait 40% de blé, 26% de riz, 16% de pommes de terre, 6% de fraises, 3% d’haricots, de tomates, d’oignons et de laitues. Cela permettrait de répondre à tous les besoins nutritionnels des astronautes mais obligerait à suivre des menus particuliers et répétitifs. Les protéines sont constituées d’acides aminés. Il existe 9 acides aminés indispensables pour l’homme car ils ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme. Lorsque ces 9 acides aminés sont présents dans les bonnes proportions dans une protéine, on parle alors de protéine complète. Pour une protéine limitante, qui ne contient donc pas les 9 acides aminés, l’organisme humain à plus de mal à l’assimiler. Il y a alors un risque de carence. Les protéines complètes ne sont trouvables que dans les produits issus de l’élevage. Comme il est impensable d’élever des animaux sur Mars à cause du rendement énergétique très mauvais, il faudra combiner deux catégories de végétaux dans son alimentation (comme les céréales et les légumineuses) qui se complètent pour permettre d’avoir un apport protéique plus équilibré et ainsi éliminer tout risque de carence. Cependant aucun végétal ne comporte de vitamine B12, il faudra donc en apporter depuis la Terre.

Répartition alimentaire équilibrée pour les astronautes
L’énergie
Comme vous l’aurez compris, l’accès à de l’énergie, le plus souvent de l’électricité, est indispensable pour faire fonctionner tous les systèmes de l’habitat mais aussi pour subvenir aux besoins des expériences scientifiques. Plusieurs solutions existent
Le photovoltaïque est la méthode la plus utilisée dans le domaine spatial pour produire de l’énergie. Cependant, ce moyen de production est peu envisageable pour une mission sur Mars. En effet, les besoins en électricité sont considérables et il faudrait en placer énormément sur une surface très grande. De plus, à cause de la poussière martienne qui apporte des poussières et grains de sable à la surface des panneaux et bloquent l’accès aux rayons du soleil, un entretien régulier serait nécessaire. Enfin, il est impossible de produire de l’électricité durant la nuit et oblige donc l’utilisation de batteries.
L’éolien ne peut pas être utilisé pour produire de l’électricité. Bien que les vents puissent atteindre les 300km/h, la faible gravité, la densité de l’atmosphère et la pression atmosphérique trop faible rendent les éoliennes très peu efficaces.
La géothermie pourrait également être utilisée comme sur Terre. Il est probable que l’on trouve à la surface de Mars des « points chauds », c’est-à-dire des lieux où le manteau de Mars n’est pas trop éloigné du sol. Ainsi grâce à des forages par lesquels on ferait descendre par canalisation de l’eau qui remonterait ensuite, on pourrait utiliser la chaleur pour générer de l’énergie. Cependant, cette option est encore très hypothétique.
Pour une mission de 500 jours à la surface, une centrale nucléaire serait la source de production d’électricité la plus viable. Un générateur à fission nucléaire fournit une puissance largement nécessaire (40 kWe en continu) tout en restant compacte et moins difficile à mettre en place. Le générateur serait bien évidemment éloigné de la base pour des mesures de sécurité et relié par de longs câbles à celle-ci.
L’énergie nucléaire est donc très probablement celle qui sera utilisée lors de la mission. Cependant, il n’est pas impossible que des panneaux photovoltaïques soient utilisés comme production d’énergie de secours.

Générateur à fission nucléaire et panneaux solaires
Sortie et transport sur Mars
Pour sortir de l’habitat, les astronautes devront être revêtus de combinaisons spatiales. La mise au point de scaphandres adaptés à Mars est très compliquée. En effet, la gravité étant plus forte que dans l’espace ou sur la lune, il est obligatoire d’alléger celle-ci tout en gardant une protection contre les conditions extérieures hostiles et des systèmes de survie. Les scaphandres lunaires pesaient 91 kg, ce qui serait insupportable sur Mars pour un homme. La NASA a développé une nouvelle génération de scaphandres plus légers nommé Z-1 et bientôt Z-2 (en développement). Cette dernière version pèserait 65 kg grâce à une optimisation des équipements et grâce à l’utilisation de matériaux composites plus légers et plus résistants. Le scaphandre s’enfile par le dos ce qui est un gain de temps énorme, contrairement aux combinaisons de sortie extra véhiculaire (Extra-Vehicular Activityou EVA) qui prennent habituellement plusieurs heures à être enfilées. Ainsi ces nouveaux scaphandres resteraient toujours à l’extérieur de l’habitat pressurisé pour limiter les échanges entre l'extérieur et l’habitat des astronautes, empêchant ainsi les risques de contamination de la planète. Les astronautes devront se glisser à l'intérieur des combinaisons depuis une sorte de trappe au niveau du scaphandre. Ces équipements seront malgré tout placés dans un sas de secours pour éviter une dépressurisation de l’habitat. Grâce à des roulements, la combinaison Z-2 de la NASA permet aux astronautes d’évoluer sur la surface martienne sans difficulté, et ceux sur plus de 10 kilomètres à la ronde.
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Prototypes des scaphandres Z-2 de la NASA
L’exploration de Mars sera l’un des objectifs clés de la mission. Au cours du séjour de 18 mois, il est probable que tous les sites à portée de marche seront explorés, même si le nombre de sorties extravéhiculaires restera limité. La NASA espère donc pouvoir explorer plus loin Mars à l’aide de véhicules, dans un rayon de 100 kilomètres autour de la base. Des explorations à de telles distances permettent en outre d’étudier plusieurs sites différents sans devoir effectuer une nouvelle mission depuis la Terre. Durant ces explorations, il est prévu de réaliser des forages jusqu’à une profondeur de 100 mètres. Afin de réaliser ces explorations, les astronautes doivent disposer de véhicules, appelé « rovers », qui doivent être capables de transporter le matériel scientifique nécessaire à l’exploration.
Selon les scénarios, les astronautes disposeront d’un ou de plusieurs véhicules qui permettrons d’accroître le rayon d’exploration. Ceux-ci peuvent être non-pressurisés et légers, comme le rover lunaire, ou bien pressurisé et disposant d’une plus grande autonomie. Les véhicules non-pressurisés s’utilisent avec les combinaisons spatiales citées plus haut. Les rovers devront disposer d’un système de navigation et de télécommunication. Ils devront être capables de transporter les outils, les échantillons, le matériel de forage et du matériel en tout genre. Les véhicules pressurisés permettent de considérablement augmenter le rayon d’exploration et la durée des expéditions. Deux rovers pressurisés capables d’accueillir 2 astronautes pour les missions usuelles et jusqu’à 4 en cas d’urgence, sont préconisés par les scénarios de la NASA afin de venir au secours d’un équipage dont le véhicule serait en panne. Les rovers seront équipés de moteurs électriques fonctionnant sur batterie et pourraient être équipés de panneaux photovoltaïques pour les recharger. La cabine permettra aux astronautes de pouvoir travailler confortablement et en sécurité tout en étant mobiles. Des bras articulés seront pilotables depuis l'intérieur, et si l'équipage à bord veut faire des échantillonnages précis ou des manœuvres délicates, ils pourront enfiler les combinaisons à l'arrière du rover en 10 minutes environ avec le système expliqué plus haut. L'intérieur de la cabine sera un véritable poste de travail mobile. Des instruments d'analyse géologique seront installés à bord, ainsi que d'autres appareils scientifiques modulables en fonction des missions. Le châssis des rovers sera entièrement modulable. Il sera en effet possible d’enlever la capsule pressurisée et de monter des outils divers. Il peut aussi recevoir une pelle de bulldozer, des bras articulés ou encore une grue, pour permettre l'extraction et le traitement de certaines ressources, comme du régolite pour l'extraction de l’eau. L’habitacle, lui, pourrait être protégé des radiations par un bouclier en glace, comme pour certains projets d'habitat de la NASA. Les rovers auront une autonomie en oxygène d’environ 15 jours et pourront parcourir plus de 100 kilomètres.

Prototype de rover pressurisé pour l'exploration de Mars

Prototype de rover pressurisé pour l'exploration de Mars
Les risques sur le corps d’une vie sur Mars
Vivre sur Mars n’est pas plus dangereux que vivre dans l’espace. Les risques sont identiques (se référer à la partie III-) mais tout de même dans des proportions moindres. Les radiations seront toujours une préoccupation pour les astronautes qui disposeront des systèmes et des techniques évoqués plus haut. La pesanteur de Mars étant plus faible que sur Terre, des exercices physiques quotidiens (environ 2 heures) seront toujours obligatoires. En outre, un problème toujours non résolu à ce jour est celui de la réadaptation des astronautes à la pesanteur une fois arrivés sur Mars. En effet, lorsqu’un homme passe plusieurs mois dans l’espace et qu’il revient sur Terre, il est dans l’incapacité de marcher car ses muscles ne sont plus habitués à cet effort. Il doit alors attendre plusieurs jours avant de recouvrir toutes ses capacités motrices. Même avec la gravité moindre sur Mars, les astronautes devront donc se réadapter sans l’aide de personne. On ignore encore à ce jour si cela sera possible.
Conclusion
Vivre sur Mars sera sûrement la partie la plus compliqué du voyage. En effet, de nombreux nouveaux systèmes et nouvelles technologies doivent être utilisés pour permettre la survie des astronautes. Ceux-ci n’ont jamais été expérimentés dans des conditions réelles et de nombreux paramètres sont ainsi imprévisibles. Le droit à l’erreur est nul, car l’aide prendra plus de 2 ans à venir en cas de problème. Cependant les agences spatiales et les entreprises privées font tous leur possible pour créer des systèmes les plus opérationnels possibles. Pour Richard Heidmann « Les obstacles techniques ne sont pas a priori insurmontables ». Ce que Jacques Villain confirme : « On n’y est pas du tout, mais on pourra résoudre les problèmes techniques. ».